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21 mars 2022

 Nouvelle parution au 31 mars 2022

Le variant ukrainien

Collection : Contre le Courant n°2

Le titre de la collection étant Contre le Courant, je me dois de préciser contre quoi. Contre le Courant de communication actuel, axé sur un double pôle : l’apensée unique officielle, langue de bois, le délire complotiste de ceux disent le contraire qui est en fait la même chose : n’importe quoi !

Le fondement de leur discours commun est la PEUR. Les États gouvernent par la Terreur, qu’elle soit politique, économique, écologique et climatique, sanitaire.

La pression exercée sur la population depuis 2020 est particulièrement intense :

D’abord la transformation d’une épidémie réelle mais très limitée (avec une surmortalité de 0,1% par an) en une pandémie qu’on a osé comparer à la grippe espagnole (entre 10 et 20 fois plus létale) et même à la peste noire (au moins 300 fois plus létale). Les humains ont donc dû prendre leurs distances les uns des autres, vivre masqués et ne plus fréquenter les lieux collectifs. Vivre dans la peur.

Maintenant la transformation d’un conflit localisé en une quasi-guerre mondiale nucléaire, par la diabolisation d’un homme et jusqu’au rejet hors de l’Humanité de tout un peuple et de sa culture. Vivre dans la haine. Le conflit ukrainien est dans la droite ligne de la pseudo-pandémie, et ceci explique le titre du présent essai :

Le Variant ukrainien.

Pour quoi suis-je donc ? Pour la formation d’une Pensée prenant la place du management et se centrant sur le développement des humains. Pour la renaissance d’une Autorité et la reconnaissance de la responsabilité centrale de l’hypertrophie du Pouvoir, les États, dans l’abrutissement des humains. Pour le retour de la Sagesse, centrée sur le Langage et une lutte sans merci contre la Propagande (officielle ou complotiste) centrée sur la communication et les images. Pour la reconstitution de la collectivité humaine.

Je ne puis que vous encourager dans votre vie quotidienne à renoncer aux commentaires sur l’actualité médiatique pour promouvoir l’échange de Paroles vraies.

Cet Essai doit malheureusement passer par un tel commentaire pour montrer à quel point cette crise est, dans l’Histoire moderne, centrée sur les États, d’une banalité égale à celle de la pseudo-pandémie.

L’auteur exprime toute sa solidarité avec les victimes de ces deux crises mais pense que c’est leur faire déshonneur que d’appuyer sur leur malheur l’idée du parcours apocalyptique de l’humanité, hors l’action d’un Pouvoir absolu passant par l’abrutissement des humains.


ps Le n°1 de la collection Contre le courant paraîtra incessamment. Une réédition au format 11x20 de La fin de l'État, augmentée d'un bref essai sur l'histoire des idées politiques modernes.


21 janvier 2022

Le silence est d'or

Dans le bavardage cataclysmique dont nous sommes victimes, il n'y a pas moyen de faire entendre autre chose que le SILENCE, plus éloquent que tout.
Ce n'est pas lâcheté, c'est courage ! 
Je reprendrai la parole lorsque je l'estimerai possible.






18 novembre 2021

Le monde est fou, le monde est fou…

 


11 000 milliards de dollars 11 000 000 000 000 $

C’est le montant des nouvelles dépenses décidées par le Congrès américain pour donner suite au plan de relance de Biden.

 

Bruno Bertez publie ce 17 novembre 2021 sur son site la traduction d'un texte promotionnel de David Stockman qui, dit-il, va - sur le plan économique - à l’essentiel : la folie actuelle.

« En effet, il n’y a jamais rien eu de tel que cette débauche des dépenses de Washington dans toute l’histoire américaine — y compris pendant le New Deal de Roosevelt et pendant les excès « guns and butter » des années 1960. De plus, ce total potentiel de 11 000 milliards de dollars de nouvelles dépenses a été décidé par le Congrès sans pratiquement aucune audition ni analyse d’experts — ce qui signifie que Washington a débloqué 85 000 $ par ménage américain de nouvelles dépenses sans le moindre égard pour les conséquences économiques et fiscales à long terme. De même, le bilan de la Fed est passé de 3 800 milliards de dollars déjà gonflé en août 2019 à 8 800 milliards de dollars à l’heure actuelle. Au cours de la même période de 27 mois, la dette publique fédérale a augmenté de près de 5,2 trillions de dollars. Cela signifie que près de 100 % de l’explosion d’emprunts et de dépenses de Washington est monétisée, c’est-à-dire financée avec de faux crédits tombés du ciel par les imprimeurs d’argent fous de la Fed. »

Jusque là, je suis très bien. C’est pour moi l’évidence même. Et les plans (qui ne sont pas seulement américains) liés à l’économie verte, à la lutte contre le réchauffement climatique forment la base concrète de ces dépenses colossales qui permettent à notre président d’affirmer que la France approche du plein emploi. Sinistre farce !

« Mais, ajoutent alors Bertez-Stockman, les lois de la monnaie saine, de la rectitude fiscale et de la gravité économique ne peuvent pas être défiées indéfiniment. Il y aura finalement un moment ou viendra l’heure des comptes. Peut-être bientôt. »

Eh bien, là je ne suis plus du tout d’accord.

Ce que je reproche à ces analyses, c’est de se situer dans un cadre de référence périmé. Comme si le Système actuel tentait de s’émanciper artificiellement des lois de la Valeur mais que tôt ou tard il lui faudrait y revenir. Par exemple, la Bulle universelle (boursière, obligataire, immobilière…) qui a pour fondement la réduction à peau de chagrin de l’économie réelle,  cette Bulle, proclament-ils, va éclater.

Je ne le crois pas.

Ce que je crois, c’est que le Système des États s’est émancipé des lois de la Valeur pour instaurer une économie totalement centrée sur eux.

Bertez-Stockman voient bien que « la dynamique sous-jacente qui est à l’œuvre est l’expansion massive de l’État », mais ils croient que c’est là une dérive temporaire et annoncent la catastrophe. Ils n’osent plus dire la catastrophe imminente, ils disent : « peut-être bientôt ».

Je crois quant à moi que l’étrange affaire du conarovrius marque, sur base d’un événement quasi insignifiant, une transition définitive. Il ne peut plus y avoir l’explosion de quelque « bulle » que ce soit, nous sommes passés dans une nouvelle ère, qui n’est plus celle de la Valeur, mais celle de l’État. Nous fonctionnons certes toujours via l’argent,  mais l’argent est devenu simple coupon d’État. Bref, nous ne sommes pas dans la dérive d’un Système,  mais dans la transition (et le phase finale de cette transition) à un autre système. Ainsi que je l’écris dans la deuxième partie de La fin de l’État (fantasques éditions, 2021) : « Nous en sommes aujourd’hui à une phase critique du processus historique. La question qui se pose n’est pas celle des dysfonctionnements du pouvoir ou de ses abus. Elle touche à l’établissement d’une mutation fondamentale de la Société humaine. L’activité humaine, la pensée humaine ne se centrent plus comme dans la période d’autarcie des communautés sur la vie et la reproduction de celles-ci. Elles quittent l’univers de la Valeur dans lequel le développement de l’activité humaine était lié à la place qu’elle pouvait prendre dans un système d’échange de plus en plus étendu. Nous sommes entrés depuis un siècle dans un mode d’existence sociale où l’activité humaine est centrée sur la participation de préférence volontaire à un système administratif, l’État, qui détermine ce qui est à faire ou à ne pas faire, ce qui entre dans son développement. Le développement de l’Humain ne se fait donc plus par son existence comme être collectif (Autarcie), ni par sa réalisation dans l’échange social (Valeur) mais par son identification à l’Être de l’État. »

C’est bien là tout l’enjeu de la situation actuelle : votre participation volontaire à l’Être de l’État, conçu comme centre de toute « vie humaine ».

L’Humanité réduite à la fourmilière !

Pas si fou… d'autant que nombreux sont ceux qui se plaignent de ce que "l'État nous laisse tomber".



24 octobre 2021

Omniprésence des philosophies orientales

Je voudrais d’abord souligner que je n’aborderai pas ici la question de la mode de tout ce qui est oriental, car c'est aujourd'hui un véritable engouement, aussi superficiel que tout autre effet de mode. Mais au delà de cette circonstance très superficielle, je vois une réalité profonde qui a un sens. C’est ce qui m’occupe ici.

Simple fusion des cultures ?

S’il n’est pas facile de percevoir comment les Orientaux vivent en profondeur l’occidentalisation qu’ils ont jadis tant redoutée, qu’ils vivent depuis trois quarts de siècle à marche forcée et dont ils partagent aujourd’hui parfois les doutes (le cas du Japon est à ce titre exemplaire), c’est l’orientalisme occidental qui fait ici l’objet de ma réflexion.

Je ne pense pas que les philosophies orientales importées correspondent aux philosophies orientales d’origine. Dans La rencontre du bouddhisme et de l’Occident (1999) Frédéric Lenoir montre combien le bouddhisme fut et reste profondément réinterprété à partir de prismes culturels déformants. Ceci même en Asie où le bouddhisme chinois, populaire et rituel, et le bouddhisme zen (japonais) n’ont que peu de choses à voir avec le bouddhisme indien, hormis la référence à Bouddha, bien sûr. Mais la question n’est pas celle de l’authenticité. La question est bien, comme le développe la présentation de l’ouvrage : pourquoi le bouddhisme, qu’on peut alors comprendre comme symbole de la sagesse orientale, connaît-il une audience croissante en Occident ? Qu'ils soient pratiquants de la méditation ou simples sympathisants, agnostiques ou croyants d'autres religions, beaucoup voient dans cette tradition une philosophie et une éthique particulièrement pertinentes dans notre univers stressé. Privilégiant l'action sur soi à l'action sur le monde, le bouddhisme pourrait être appelé à corriger les excès d'une civilisation occidentale plus préoccupée de maîtrise technique que de la recherche de Sens.

Prémices

L’orientalisme n’est pas nouveau en Occident. Une première vague orientaliste se profile à la fin du XIXe siècle quand Edwin Arnold publie La Lumière de l'Asie (1879), ouvrage sur la vie et les enseignements du Bouddha qui rencontre un succès durable.

Mais c’est le suicide de l’Occident qu’incarne la Grande Guerre, qui provoque la grande vague orientaliste, dont l’ouvrage d’Oswald Spengler, Le déclin de l’Occident (1918-1922) explique ainsi le fondement : « L'homme créateur a outrepassé les bornes de la Nature et, avec chaque nouvelle création, il s'en écarte toujours de plus en plus, et devient de plus en plus son ennemi. C'est cela son histoire mondiale, l'histoire d'un fossé fatidique se creusant toujours plus profondément entre le monde de l'homme et l'univers: histoire d'un rebelle qui a grandi jusqu'à lever la main sur sa mère. C'est le commencement de la tragédie de l'homme: car des deux la Nature est la plus forte. » Autrement dit : le défi posé l’Occident centré sur la maîtrise de la nature, marque le pas, il est temps de retourner à l’acceptation orientale.

En 1922 l'écrivain allemand Herman Hesse publie son roman Siddhârta qui connaîtra plus tard un succès mondial. En 1924 naît la London Buddhist Society. Alexandra David-Neel parvient à pénétrer au Tibet, se faisant passer pour une mendiante. Périple qui fait l’objet du Voyage d'une Parisienne à Lhassa (1927), à la suite duquel elle publiera de nombreux ouvrages sur le bouddhisme tibétain. Les Essais sur le bouddhisme zen, de Daisetz Teitaro Suzuki, au début des années 1930, en font le premier interprète de la pensée zen en Occident.

A partir des années 1960, c’est un boum qui marque l’Occident. Des maîtres tibétains tels que Kalou Rinpoché et Chögyam Trungpa Rinpoché viendront fonder des écoles. Thích Nht Hnh, moine vietnamien, réfugié politique en France, a écrit plus d'une centaine d'ouvrages. Sa notoriété est mondiale. Durant les années 1970 et 1980, de nombreux temples et centres de méditation sont fondés aux États-Unis et en Europe. En février 1968, les Beatles se rendent en Inde pour un drôle de pèlerinage à l’ashram du Maharishi Mahesh Yogi avec leurs épouses et une vingtaine d’amis.

Photo de groupe lors du stage de méditation à Rishikesh en février 1968. Devant le Maharishi, on reconnaît (de gauche à droite) Ringo Starr et son épouse Maureen Starkey, Jane Asher, Paul McCartney, George et Pattie Harrison, Cynthia et John Lennon. 

 Les traditions asiatiques s’enracinent en Occident et s’y institutionnalisent même. Frédéric Lenoir note « qu’on est passé, dans la plupart des pays occidentaux, de l'intérêt intellectuel d'une élite à un véritable engouement et à une pratique de la méditation qui concerne des centaines de milliers d'individus. Il existe aujourd'hui plusieurs milliers de dojos zen et de grands centres ou monastères tibétains en Europe et aux États-Unis, sans compter les nombreux groupes de méditation rattachés à divers courants et écoles […] et de nombreux ouvrages touchant au bouddhisme sont devenus des best-sellers. » 

Ambivalence

La recherche de SENS est un élément important, essentiel même, face aux ratiocinations et à l’absence de pensée dans lesquelles notre civilisation, c’est-à-dire nous nous complaisons. Elle se conjugue à la nécessité d’une approche GLOBALE de la Réalité, face à laquelle nos approches techniques éclatées se révèlent certes d’une efficacité redoutable (je pense à la médecine par exemple) mais en même temps d’une pauvreté de compréhension désolante. Il faut ajouter à cela le fait que fondamentalement l’approche orientale est acceptation du RÉEL, qui nous est extérieur, alors que les Occidentaux s’enfoncent dans sa négation et prétendent à la limite tout contrôler, caricaturant l’oriental en passif face à laquelle il se pose en champion de l’action.

Il ne me semble donc en aucun cas justifié de rejeter l’approche orientale, mais utile de la remettre dans le contexte de l’évolution de la Sagesse qui caractérise la famille humaine dans le premier millénaire avant Jésus-Christ : Confucius, Lao Tse, Bouddha, Zarathoustra, les premiers auteurs de la Bible, les Stoïciens… sont presque des contemporains !

Cette Sagesse antique se caractérise principalement par le retrait du monde, symbolisé notamment par le séjour du Sage dans le désert, où il fuit les tentations du monde pour se ressourcer.

Le Christ (traduction grecque de messie, l’envoyé) ou du moins le christianisme représente en gros une reprise de cette Sagesse, sous la forme d’un syncrétisme entre la sagesse orientale et le stoïcisme grec, philosophie d’acceptation certes, mais qui dans son principe développe une forme d’action en accord avec la nature.

La doctrine chrétienne ne s’est pas formée à l’époque du Christ, mais aux IIe et IIIe siècles, moment où se fixe le Canon chrétien et où le Christ devient Dieu. Entièrement Dieu et entièrement homme. C’est autour de ce thème principalement que s’affrontent pères fondateurs et hérétiques, car cette logique d’identité Dieu-Homme implique de renoncer à la séparation de principe entre le spirituel et le matériel. Dieu s’est fait Homme. La Sagesse n’est plus définie comme simple spiritualité, mais comme une spiritualité mise en acte. Elle n’est donc plus le fait du Sage qui se retire du monde, mais peut ou doit être cultivée par le commun des mortels dans le cadre  de la vie terrestre. Construction de La Cité de Dieu et de la Cité des humains vont de pair, même si cette dernière n’est que préfiguration de l’autre. La Sagesse devient le propre de l’humain lambda qui vit sa vie en sagesse avec les siens. Le sombre Moyen Âge décrit par les hommes de Pouvoir et les rationalistes occidents

Dans le christianisme subsiste la prépondérance du spirituel. C’est une religion ! Le Canon n’a donc pas évacué la quatrième évangile, celui de Jean, auteur présumé de L’Apocalypse (Révélation) dont nous avons surtout retenu le sens de catastrophe dont je parlais récemment. Une tendance du christianisme qui n’est pas centrée sur la construction du monde, mais sur sa destruction finale et qui accompagne le message chrétien pour en éviter la paganisation.

Ces deux mouvements sont dans le christianisme mais ont été depuis sa fondation souvent vécus comme une alternance, différenciation entre une Église qui s’institutionnalise et prône une morale (catéchisme) et une Religion désincarnée, centrée sur la Foi de ceux qui y adhèrent et la proclament. Une notion qui va déborder le cadre proprement religieux, puisque deviennent peu à peu de plus en plus nombreux ceux qui pratiquent l’attitude « chrétienne » sans se référer à son Canon de croyances et en les rejetant. Et, refusant cette scission entre spirituel et « mondain », s’affirment à l’intérieur de l’Église (François d’Assise) ou en rupture avec elle (Vaudois), et ce dès le XIIe siècle, des mouvements, qui prônent le retour à l’unicité du christianisme primitif : cette Sagesse en acte, praticable par tous, qui le caractérise.

L’orientalisme contemporain

Le recours actuel à l’orientalisme en Occident doit à mon sens être compris comme une de ces alternances de la religion chrétienne, des oscillations entre phases ancrées dans le monde, et des phases prophétiques, hors du monde.

La question fondamentale que pose cette résurgence d’un souci d’échapper à un monde qui apparaît comme totalement dépourvu de sens, est que dans ce contexte tous ceux qui sont à la recherche d’un sens se coupent du Réel pour tenter de rejoindre, en dehors des réalités absurdes, une Réalité intemporelle qui se définit par essence comme coupure avec le « monde ». Attitude orientale qui fait que la recherche du Sens évacue ce monde et que ceux qui l’effectuent tendent à se réfugier dans des situations marginales, de type individuel ou en lien avec des collectivités réduites en marge de la société. Deuxième conséquence : la recherche d’une Action sur la société est entièrement mise de côté au profit de la valorisation de ces multitudes de micro-actions censées être les seules qui puissent changer notre réalité. C’est-à-dire notre perception individuelle, ou celle de notre communauté immédiate, dans monde sur lequel nous n’avons aucune action.

Cette attitude a un fondement incontestable : dans sa croissance, le Pouvoir a supprimé tous les milieux sociaux intermédiaires dans lesquels les hommes sont présents les uns aux autres et collectivement présents aux réalités. Le Pouvoir a supprimé ces intermédiaires pour ne laisser face à Lui, comme seule réalité collective tout puissante, que l’individu isolé totalement impuissant, dans la mesure où, tous les intermédiaires manquant, c’est un gouffre qui sépare tous les atomes que nous sommes d’une part les uns des autres, d’autre part des réalités que nous devons donc  nous contenter de subir. La nuance est importante entre ce subir (soumission) et le principe de l’acceptation (consentement) orientale qui apparaît dans ce contexte comme ce qui nous permet de subir le monde sans en être victimes. C’est bien le monde qui se condamne, alors que nous échappons à sa putréfaction. Cette attitude « orientale » est RUPTURE (avec l’univers des apparences, de la consommation, etc.), mais une rupture essentiellement intériorisée qui laisse entendre que le monde ne peut être autre chose que ce qu’il est, et qu’il n’y a d’autre voie de salut que de s’en extraire et de se fondre dans une forme de communauté mystique, communauté non plus avec le monde des humains mais avec ceux avec lesquels nous sommes en affinité, dans le cadre d’une Nature idéalisée dépourvue de conflits.

En conséquence de quoi, ceux qui pensent (qui recherchent le Sens des choses) se détournent complètement de l’action pour recourir à cette Sagesse dans le Désert. Face aux « penseurs » attitrés (intellectuels), lesquels se mettent en permanence à la traîne de ceux qui sont aux commandes, dans l’action.

Mais ceci est une autre histoire…

 

 

  

18 octobre 2021

 La seule et unique question

Dans l'univers de discutailleries autour de la vaccination, de la pandémie, et de toutes les autres questions médiatisées, le plus souvent transformées en "catastrophes" (voyez mon article précédent), la seule et unique question VÉRITABLE et particulièrement lisible actuellement est bien: Que veut-on faire de l'humanité ? 

Le mouvement du POUVOIR caractérisé par l'évolution de l'État nous oriente de plus en plus vers une humanité centrée sur la discipline, la régulation. Ce qui ne signifie pas un mécanisme de soumission, toujours fragile (risque de révolte) mais un mécanisme d'adhésion, qu'on peut à la limite qualifier de soumission volontaire. Un terme qui a le désavantage de dévaloriser cette adhésion, alors que subjectivement elle est bien ressentie non comme un sujétion, mais comme une  mise en valeur de nos désirs, un monde de plaisir... 

Ce qui est important pour le Pouvoir, c'est le SENTIMENT DE LIBERTÉ, qui repose sur l'adhésion librement consentie aux normes "nécessaires à la vie en commun". Cette adhésion n'est pas un mouvement de PENSÉE, c'est un mouvement émotionnel, centré sur l'image et non sur le langage.

Or l'Humanité s'est développée par le Langage et la Pensée. C'est donc à elle que l'on s'en prend directement : pour sauver la Société "humaine", il faut sacrifier l'Humanité !

« Une certaine confusion règne encore, mais encore un peu de temps et tout s'éclaircira; nous verrons enfin apparaître le miracle d'une société animale, une parfaite et définitive fourmilière. » (Paul Valéry, La crise de l’esprit, Première lettre, 1918, Œuvres I, Pléiade, p.994)

Ce sacrifice de l'Humanité est en cours. Valéry disait : "encore un peu de temps". Il y a un siècle. Pour le Pouvoir, ce délai est écoulé, et toute crise est bienvenue pour marquer que les temps sont arrivés !

Il me semble TRÈS IMPORTANT de voir que la crise actuelle est un événement avant tout SYMBOLIQUE. Autrement dit, que les mesures de régulation adoptées n'ont en elles-mêmes aucune importance. Les discuter ou les dénoncer, c'est entrer dans le jeu du Pouvoir, en proposant une autre régulation. Je dirais même que ces mesures sont d'autant plus efficaces qu'elles sont absurdes et contradictoires. Car ce que le Pouvoir cherche à établir, ce n'est pas telle ou telle mesure, c'est le principe absolu de la régulation. Le principe que pour vivre, il ne faut surtout pas penser et que toute "vie" dépend de ce que tous acceptent de ne pas penser. Et ça, on l'établit encore mieux en faisant accepter les régulations les plus absurdes possibles !

Ne me faites pas dire que la discipline est absurde (dépourvue de sens), mais elle est un moment précis que l'on accepte dans un contexte général qui lui échappe. La généralisation d'un état d'URGENCE permanent en fonction des multiples catastrophes imminentes est le mouvement par lequel on transforme la nécessité temporaire d'une discipline en principe fondamental de fonctionnement de nos sociétés, dès lors entièrement régulées par le seul Pouvoir.

On parle beaucoup de disparition des espèces, mais la première espèce menacée (en fait peut-être déjà disparue) est l'ESPÈCE HUMAINE, ravalée au niveau de l'animalité. Une nouvelle fois, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Nous devons accepter notre animalité, mais nous ne sommes pas QUE des animaux.

La civilisation chrétienne, apparue vers le troisième siècle est ce moment de l'histoire de la famille humaine où la Sagesse antique n'est plus véhiculée seulement par la Sagesse des grands hommes dont la spécificité est de se retire du quotidien pour consacrer leur vie à penser, méditer. Cette Sagesse pénètre à ce moment les humbles qui font la Société Humaine en agissant leur vie quotidienne. C'est la réalité fondamentale de cette belle époque (un millénaire) que nos hommes d'État et leurs intellectuels n'arrêtent de vilipender comme "moyen âge", une époque de cruauté et de barbarie, pour célébrer le retour (la renaissance) du Pouvoir. 

L'avènement du règne de l'État et de sa prise en mains de l'ensemble du fonctionnement d'une Société devenue urbaine, commerciale, technicienne... était dès lors ouvert.

Ouverte une ère d'abrutissement de l'Humain, dont notre époque marque l'apogée ou le chant du cygne. C'est de nous que cela dépend ! 

C'est notre RESPONSABILITÉ FONDAMENTALE !

16 septembre 2021

 

La pire catastrophe,

c’est le catastrophisme !


Nous vivons tout sur le mode de la catastrophe : catastrophe économique (chômage, consommation…), catastrophe politique (guerres, terrorisme…), catastrophe écologique (destruction de l’environnement), catastrophe climatique (réchauffement), catastrophe personnelle (burn out) et bien évidemment catastrophe sanitaire (Covid). Se profile même ces derniers temps une prédilection des médias à évoquer de manière récurrente de possibles catastrophes cosmiques (météorites, comètes…) Même les enfants vivent sur le mode de la catastrophe, en se passionnant depuis trente ans pour les dinosaures et autres sauriens jadis maîtres du monde et disparus suite à quelque cataclysme…

                              


Je voudrais insister dans cet article sur le fait que le catastrophisme n’a rien d’objectif, mais qu’il s’agit d’un FILTRE de perception. Non le philtre magique d’une fée ou d’un sorcier, mais un filtre de perception inconscient qui nous incite à tout percevoir sur le mode de la catastrophe. Et si aujourd’hui vous ne « donnez » pas dans la catastrophe, vous êtes immanquablement un mondialo- climato- écolo- vaccino- sceptique. Un réac, quoi !

Le catastrophisme - la collapsologie en tant que discipline « scientifique » - a pour fondement qu’en toutes choses, si nous voulons survivre, il nous faut intervenir en toute urgence. C’est le fer de lance des États, LA justification fondamentale qu’ils peuvent donner à leur action. Et en matière d’opposition, ils ne rencontrent que celle qui leur dit qu’ils agissent mal, pas assez ou pas assez vite. Une opposition pour laquelle il faut continuer à faire appel à l’intervention de l’État, à toujours plus d’État, « contre les riches et les puissants qui s’approprient toute la richesse, en détruisant tout sans vergogne, et sans se soucier un instant du monde que nous léguons aux générations futures ni même des effets que leurs recherches produisent sur notre santé ». Appels « gauchistes » ou « populistes » qui pourraient nous faire croire que « eux au moins ils font quelque chose, ou essaient de faire quelque chose ». Ce que je ne nierai pas, ils s’agitent, mais pour agir (ce qui est relativement différent), il faut un tant soit peu PENSER, et c’est ce que ces derniers résistants « oublient » de faire… renforçant par là-même l’idée qu’il n’y a rien à faire ! Hormis s’agiter… Car le principe même de l’Urgence est que l’on n’a pas le temps de penser, qu’il faut agir en catastrophe !

Selon beaucoup, il est même déjà trop tard. Pour eux, comme pour l’esprit du temps en général, l’Humanité est condamnée à court terme. La conclusion est, pour les partisans du retrait personnel, évidente : vivons individuellement notre vie du mieux que nous le pouvons sans essayer d’y comprendre ou d’y faire quoi que ce soit. C’est peine perdue ! D’où le succès actuel de toutes les techniques de bien-être, d’où aussi le repli universel qui se marque dans l’étranglement de la vie sociale et l’épanouissement des spiritualités d’inspiration orientale. On a vu Paris en ville morte au printemps 2020, mais depuis vingt ans Paris se meurt.

Telle est la double réalité du catastrophisme aujourd’hui. Tantôt l’urgence d’une vaine agitation qui semble par avance perdue, même à ses promoteurs. Tantôt le retrait du monde, la recherche de la sérénité. Or, nous sommes à un moment de l’Histoire où il faut agir, et surtout penser cette action, ainsi que je l’ai développé dans La fin de l’État dont la nécessaire suite serait Le monde d’après... d'après l’État !



Tel n’est pas mon propos aujourd’hui. Je voudrais simplement faire un rappel historique sur ce maudit catastrophisme.

Le CATASTROPHISME n’est pas nouveau. Il a connu une de ses époques de gloire à la fin du XIXe siècle. C’est ce que l’on a appelé l’esprit « Fin de siècle ». Une mentalité largement liée à la philosophie de Nietzsche, lequel terminait son ouvrage sur la Généalogie de la morale par cette sentence : « L’homme préfère encore vouloir le Néant que de ne pas vouloir du tout. » Et Nietzsche donne le ton d’une époque. En effet, le monde intellectuel et artistique de la fin du XIXe est complètement désespéré. On a à ce moment vécu deux ou trois siècles de triomphe de la Raison. C’est l’ère du « positivisme » : le Progrès humain est la donnée centrale et inéluctable de l’Histoire. L’Homme a conquis la planète dont on fait le tour en 80 jours. Rayonnent la technique, l’industrie, le commerce. La Science a elle aussi conquis l’Univers. Le Système construit par Newton au début du XVIIIe en explique largement les fondements, même s’il est susceptible de quelques améliorations.

Et voici que tout s’effondre. On ne parle plus que de « crise de la Science », le Système de Newton explose, et avec lui toutes les certitudes. La Raison n’explique plus rien, pas même le comportement humain, largement guidé par l’inconscient, comme le développe Freud. En outre, l’espèce humaine, jadis si fière d’elle-même, n’est guère, Darwin l’a montré, qu’une espèce animale, issue d’une évolution dominée non par une adaptation progressive mais par le hasard des mutations.

En outre, concrètement, le développement industriel qui devait révolutionner la vie humaine a plongé la plus grande partie des humains dans la misère des villes. Et les Européens, à la tête de ce mouvement, ont détruit les autres continents et leurs Cultures. Les grandes religions s’avilissent en catéchismes grossiers et en pratiques superstitieuses. La philosophie, nous l’avons vu, ouvre sur le Néant.

Le monde de l’Art lui-même a perdu toutes ses certitudes : après la rupture avec le réalisme classique à la fin du siècle, on en viendra vingt ans plus tard à exposer un urinoir ou une toile peinte par la queue d’un âne. En musique, la grandiloquence wagnérienne donne le ton. Harmonie et contrepoint font place aux grands effets.

Dans les dernières années du XIXe siècle, les artistes viennois, à la pointe du mouvement, ont forgé le concept d’Apocalypse joyeuse, sur le principe : Tant qu’à finir, autant finir en beauté ! Puisque nous allons à la catastrophe, autant profiter de l’existence jusqu’à ce qu’elle arrive, plutôt que de nous lamenter. À l’esprit fin de siècle succède au début du XXe siècle ce qu’on appelle la « Belle époque », tout aussi désespérée, mais dominée par l’insouciance et le plaisir. Une époque sans perspective, totalement refermée sur elle-même. Le temps où on attend.

Mais peu à peu les choses se précisent. On ne peut attendre éternellement, il faut précipiter les choses. Et une nouvelle ère s’ouvre, dont on peut voir un symbole majeur dans la première du Sacre du Printemps de Stravinski, présenté par les Ballets russes de Diaghilev au Théâtre des Champs Élysées, le 29 mai 1913. « Le mythe du renouveau de la vie à travers la danse de mort de la jeune fille annonce la naissance d’une ère nouvelle. Intellectuels et artistes vont se précipiter à la recherche de tout ce qui pourrait rendre possible une “purification” du monde. Quinze mois plus tard les foules des capitales européennes se jettent dans la guerre. » (Modris Eksteins) Tout le monde commence à croire à ce grand choc, cette commotion dont sortira un monde nouveau ! Le monde d’après…

Comment expliquer sans cela le ralliement quasi universel à la Grande Guerre ? La Guerre apportera un renouveau spirituel pour les uns, elle déclenchera la révolution mondiale pour les autres… Trente ans de guerre, hélas, pour accoucher d’un monde pire encore ! Forcément : un monde façonné par la Guerre !


Le caractère apocalyptique principal du discours actuel réside dans la formule du « monde d’après », qui symbolise la révélation (apocalupsis) du monde nouveau qui grâce à la crise succédera à la décrépitude finale du monde actuel. Un monde vert, durable, social etc. auquel on n’accédera qu’à travers un inévitable cataclysme salvateur. La crise actuelle arrive, malgré sa base sanitaire très réduite à tenir ce rôle catalyseur, tant elle est gonflée par le verbiage tant médiatique que complotiste. Car le problème véritable est bien là : les uns comme les autres se situent délibérément dans l’optique catastrophiste, qui est le ciment véritable de l’esprit du temps.

Or ce catastrophisme est le revers d’une situation sur laquelle on n’insistera jamais assez : l’incapacité actuelle des humains de dégager une compréhension globale des phénomènes historiques en cours et des enjeux qu’ils recouvrent. C’est pour cela que tout est ramené au simple argument d’éviter la catastrophe. Sans doute pour mieux passer de Charybde en Scylla. Mais surtout parce qu’on ne voit pas du tout où l’on va.


Dans l’univers judéo-chrétien, la catastrophe se situe au début des Temps. Le Déluge ayant ravagé la Terre, Noé rassemble un couple de chaque espèce animale dans son arche et sauve le monde de la destruction. Au XXIe siècle, Dieu rend à nouveau vite à Noé.

– Une fois encore, la terre est devenue invivable. Construis une arche et rassemble un couple de chaque être vivant ainsi que quelques bons humains. Dans six mois, j'envoie la pluie durant quarante jours et quarante nuits, et je détruis tout !!!

Six mois plus tard, Dieu retourne chez Noé et ne voit qu'une petite ébauche de construction navale.

– Mais, Noé, tu n'as pratiquement rien fait ! Demain il commence à pleuvoir !

– Pardonne-moi, Tout Puissant, j'ai fait tout mon possible mais les temps ont changé ! J'ai essayé de bâtir l'arche mais il faut un permis de construire et l'inspecteur me fait des ennuis au sujet du système d'alarme anti-incendie.


Mes voisins ont créé une association parce que la construction de l'échafaudage dans ma cour viole le règlement de copropriété et obstrue leur vue. J'ai dû recourir à un conciliateur pour arriver à un accord.

L'Urbanisme m'a obligé à réaliser une étude de faisabilité et à déposer un mémoire sur les coûts des travaux nécessaires pour transporter l'arche jusqu'à la mer. Pas moyen de leur faire comprendre que la mer allait venir jusqu'à nous. Ils ont refusé de me croire.

La coupe du bois de construction navale s'est heurtée aux multiples Associations pour La Protection de l'Environnement sous le triple motif que je contribuais à la déforestation, que mon autorisation donnée par les Eaux et Forêts n'avait pas de valeur aux yeux du Ministère de l'environnement, et que cela détruisait l'habitat de plusieurs espèces animales. J'ai pourtant expliqué qu'il s'agissait, au contraire de préserver ces espèces, rien n'y a fait.

J'avais à peine commencé à rassembler les couples d'animaux que la SPA et WWF me sont tombés sur le dos pour acte de cruauté envers les animaux parce que je les soustrayais contre leur gré à leur milieu naturel et que je les enfermais dans des pièces trop exiguës.

Ensuite, l'agence gouvernementale pour le Développement Durable a exigé une étude de l'impact sur l'environnement de ce fameux Déluge.

Dans le même temps, je me débattais avec le Ministère du Travail qui me reprochait de violer la législation en utilisant des travailleurs bénévoles. Je les avais embauchés car les Syndicats m'avaient interdit d'employer mes propres fils, disant que je ne devais employer que des travailleurs hautement qualifiés et, dans tous les cas, syndiqués.

Enfin le Fisc a saisi tous mes avoirs, prétextant que je me préparais à fuir illégalement le pays tandis que les Douanes menaçaient de m'assigner devant les tribunaux pour "tentative de franchissement de frontière en possession d'espèces protégées ou reconnues comme dangereuses".

Aussi, pardonne-moi, Tout Puissant, mais j'ai manqué de persévérance et j'ai abandonné ce projet.

Aussitôt les nuages se dissipent, un arc-en-ciel apparaît et le Soleil luit.

– Mais, Seigneur, tu renonces à détruire le monde ? demande Noé.

– Inutile, répond Dieu, l'État s'en charge..!


Rassurez-vous, tout peut  continuer à fonctionner comme cela fonctionne aujourd’hui. Avec les ONG, les syndicats, la protection de l’environnement, les normes sanitaires et 1 001 réglementations qui sont déjà 1 000 001 et n’en finiront pas de croître, tandis que nous nous contenterons de survivre.

Même si les problèmes ne manquent pas, nous ne sommes pas devant LA catastrophe, nous pouvons survivre. Mais quant à la possibilité de vivre, le prisme d’une catastrophe imminente dont le souci est le but premier de toute action, ce miroir aux alouettes est, paradoxalement certes, mais de manière évidente, un des principaux moyens de nous inhiber complètement.

Et la thèse fondamentale du Catastrophisme est sans nul doute à l’inverse que c’est notre seule pulsion de vie qui va nous empêcher de survivre… Serait-ce donc cette pulsion de vie qu’il faut museler pour … survivre ?




06 septembre 2021

 

Méfiance universelle et fin de l’État

 

La méfiance est le maître-mot du jour. Comment faire encore confiance à qui que ce soit, puisque sur le plan de l’information politique principalement, tout est vicié ? Comment faire confiance à qui que ce soit, en quelque circonstance que ce soit, puisque chacun est mû par ses intérêts particuliers, ceux de sa classe sociale, et par ses pulsions inconscientes, son propre faire-valoir ? Cette méfiance s’applique à tous les domaines, des exploits sportifs au climat, menace imminente ou construction hypothétique. Et bien sûr à cette pandémie qui pour les uns est un fléau, pour les autres une sinistre farce, sur fond d’une simple épidémie moins grave que tant d’autres ?

Pourquoi cette méfiance ? La presse est très peu diversifiée. Et on ne peut faire confiance aux réseaux sociaux, qui colportent n’importe quoi : ces fake news qui sont peut-être vraies, peut-être fausses et qui sont répandues soit par des gens qui cherchent à percer une vérité qu’on veut « nous cacher », soit par des farfelus de tout acabit,… Les humains sont ainsi pris en tenaille. Nous vivons une situation dans laquelle il n’y a plus moyen d’opérer le moindre discernement et où il ne nous reste qu’une seule certitude : la méfiance universelle.

 

Loin de moi l’idée de discréditer le soupçon en lui-même. Le scepticisme est un élément moteur de la Pensée. L’acceptation immédiate des apparences en tant que vérités essentielles ou le ralliement à une série de dogmes intangibles qui énonceraient les bases absolues de tout Savoir sont des obstacles majeurs à la Pensée. Inversement, le point de vue d’un scepticisme absolu affirmant l’impossibilité d’un savoir autre que pratique inhibe lui aussi la Pensée. Le point de vue dogmatique se résume à affirmer la prédominance d’une vérité intouchable et de limiter ou d’interdire tout soupçon. Interdiction qui porte généralement le nom de censure. Le point de vue critique se concentre sur l’affirmation que toute chose est bonne à dire, que seule la coexistence de toutes les opinions est fondamentale, puisque La Vérité n’existe pas mais que chacun porte la sienne et qu’il faut que coexistent toutes les vérités particulières, toutes les subjectivités. Ce qui ramène à deux formules : Une Vérité officielle  ou Tout est bon à dire.

Nous sommes passés socialement dans les 50 dernières années d’une formule à l’autre, du tout au tout. Jadis il était difficile de glaner quelques informations. Aujourd’hui, nous sommes écrasés sous une masse d’informations. Si devant une situation complexe, on ne me donne que quelques informations en m’en cachant une série d’autres, je ne pourrai accéder au fondement des choses. Mais si à l’inverse je suis bombardé d’une immense quantité de données, je ne pourrai pas plus (voire encore moins) me faire la moindre idée. Dans le premier cas, le frein s’appelle CENSURE, dans le second SURABONDANCE. C’est tantôt l’absence d’informations utiles, tantôt le débordement d’informations inutiles qui constituent les obstacles majeurs.

Sur quoi repose la théorie de l’information ? Sur la Théorie de l’expérience dont les modernes ont fait la base de tout savoir. Négation globale du processus historique qui constitue l’Humanité, elle est une négation de la Connaissance (au sens fort) du Réel, au profit d’une exaltation des savoirs pratiques. La Connaissance (naître avec) cède la place au savoir-faire (efficacité). Le fondement de notre Savoir, jadis mise en relation et élaboration par notre esprit, fait place à l’éclatement des approches par les sens. Le détenteur de la Connaissance, de Docteur devient Spécialiste. Jadis Docteur, mais en quoi ? En Rien ou en Tout, c’est selon, puisqu’il avait parcouru l’ensemble du champ de La Connaissance humaine. On parle aujourd’hui d’experts, spécialistes en une infime parcelle des savoirs. Cette mutation, présentée comme une conséquence de l’extension infinie des connaissances humaines, est en fait un renoncement à la Connaissance. En fonction de quoi le monde moderne est passé des mains des clercs dans celles des managers, dont le principe est que la réalité comme Ensemble n’existe pas. N’existe qu’un monde éclaté, incompréhensible (étymologiquement, ne pouvant être saisi ensemble)

Le rejaillissement de cette approche moderne dans le domaine de l’éducation est patent : l’enfant ne doit plus être éduqué, il doit faire ses expériences.  Et le but de l’éducation est de formater le citoyen et de lui faire acquérir un savoir-faire, celui du technicien de surface ou de la communication, de la philosophie, etc. Manuels ou intellectuels, mais tous techniciens.

Cela se traduit aujourd’hui par l’omniprésence des experts et des managers politiques. Un sacré cirque ! La conséquence de cette manière de traiter les choses est que les Humains en sont réduits à suivre plus ou moins volontairement les consignes d’un Pouvoir d’ État complètement déconnecté du bon sens des humains, base et conséquence de la Sagesse des clercs. Ceci s’est traduit politiquement par une disparition de l’AUTORITÉ, s’appuyant sur la Sagesse, et un développement infini du POUVOIR, d’un État qui a s’est incorporé l’ancienne autorité des clercs, devenus intelligentsia. D’un État qui « gouverne » une société qui s’apparente de plus en plus à une ruche ou une fourmilière.

La crise présente met en évidence que nous sommes arrivés à la fin du développement de ce POUVOIR d’État. Selon Montesquieu, la dynamique du Pouvoir, celle de son propre accroissement, l’amène finalement à détruire le socle sur lequel il s’est élevé. L’État, depuis un siècle (Août 1914) détruit physiquement et moralement l’Humanité qu’il prive de sa spécificité, Pensée et Langage. Il nous ramène à une simple réalité animale, privée d’esprit : « …encore un peu de temps et tout s'éclaircira ; nous verrons enfin apparaître le miracle d'une société animale, une parfaite et définitive fourmilière. » (Paul Valéry, 1918)

Comme toute autre création humaine, la forme de l’État politique est amenée à disparaître. Pour céder la place à quoi ? Non à cette anarchie que l’État génère lui-même au quotidien pour mieux se présenter comme notre seul Sauveur. Mais à une AUTORITÉ, non plus statique à l’image du Dogme ancien, mais centrée sur le développement de l’humain.

La méfiance universelle est aujourd’hui le principal signe de l’absence totale de sagesse et de bon sens. Annonce-t-elle cette Fin de l’État dont j’ai fait le thème de mon dernier ouvrage ?

 

Jacques De Cock

Historien

 



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